Les chiffres du World Gold Council le montrent : les banques centrales sont des acheteurs majeurs sur le marché de l’or. Dans leurs coffres, ces autorités monétaires détenaient près de 35 000 tonnes d’or en 2020. Et ce chiffre évolue régulièrement, à mesure qu’elles augmentent leurs réserves. Pourquoi les banques centrales achètent-elles de l’or ? Stabilité financière, valeur refuge et diversification : voici quelques explications. 

Mieux comprendre le rôle de la banque centrale

La banque centrale a un rôle majeur dans les finances du pays, ou plutôt dans leur équilibre : cette institution s’assure de la stabilité du système bancaire et financier. Elle fixe le niveau des taux d’intérêt par exemple, et gère l’émission de monnaie fiduciaire : la banque centrale a notamment la main sur la « planche à billets ». En période de crise, elle peut aussi être amenée à prêter aux établissements bancaires pour éviter une crise systémique majeure. Enfin, elle gère la réserve d’or du pays.

Les raisons pour lesquelles les banques centrales achètent de l’or

« L’or symbolise la puissance d’un pays », selon Adam Glapinski, le gouverneur de la banque centrale polonaise. Et il existe en fait plusieurs raisons pour lesquelles une banque centrale achète et conserve un stock du métal précieux. 

Garantir la santé financière du pays et limiter les risques

La fin des accords de Bretton-Woods en 1971 sonne le glas de la convertibilité dollar-or. Même si le métal précieux n’a plus son rôle monétaire, « il conserve une valeur importante mais fluctuante qui est déterminée par le marché », relève ainsi la Banque de France. L’or représente ainsi un actif sûr, qui permet à la banque centrale d’assurer la bonne santé financière du pays. C’est une réserve à long terme, et une façon de se protéger contre une inflation galopante ou contre les risques.

L’or a ainsi rempli son rôle de valeur refuge pour les banques centrales pendant la crise sanitaire. Plusieurs temps forts le montrent, et c’est aussi visible dans les chiffres du World Gold Council

  • Au plus fort de la pandémie et alors que le cours de l’or bat des records, les institutions financières limitent puis suspendent leurs achats de métal précieux à l’été 2020. Certains pays ont aussi vendu, « pour soutenir leurs économies respectives pendant la pandémie » relève le Figaro : cela n’était pas arrivé depuis 10 ans. 
  • Sur la première moitié de l’année 2021, l’économie repart, et les achats d’or des banques centrales aussi. Sur les six premiers mois de l’année, les institutions financières ont fait l’acquisition de 333 tonnes d’or.  
  • En mai 2021, lors d’un sommet sur les économies africaines à Paris, la France a proposé d’utiliser les réserves d’or du FMI pour financer la relance économique en Afrique en plus des Droits de Tirages Spéciaux de l’institution monétaire internationale qui permettent de créer des devises sans créer de la dette.
Achat d'or par les banques centrales ramenées au prix de l'or
Sources: ICE Benchmark Administration, Metals Focus, Refinitiv GFMS, World Gold Council

La diversification de ses réserves et du « bas de laine » du pays

Les réserves de change des banques centrales sont les réserves qu’une institution peut utiliser pour financer le déficit du pays. C’est le bas de laine national, une épargne dans laquelle l’Etat peut puiser pour solder un déficit de balance de paiement envers d’autres pays. Cette épargne étatique est constituée d’or, de devises étrangères, de créances diverses ou d’autres avoirs (le patrimoine par exemple). Parce qu’il n’est pas soumis aux fluctuations du dollar par exemple, ou aux risques inhérents à d’autres placements et créances, l’or occupe une part de plus en plus importante dans les réserves de change.

La répartition des réserves françaises illustre bien cette diversification. Selon les chiffres publiés par le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance en novembre 2021, le “bas de laine” français comprend 120 178 M€ en or, 24 873 M€ en devises étrangères (notamment des dollars), 40 102 M€ en créances sur le FMI et 1 492 M€ en autres avoirs. Le métal précieux représente donc 64,5 % des réserves françaises. A titre de comparaison, cette part de l’or est encore plus importante dans d’autres pays européens : 75 % en Allemagne, 70 % en Italie. 

Protéger la souveraineté et l’indépendance du pays

En augmentant leurs réserves de change en métal précieux, les banques centrales réduisent aussi la dépendance du pays vis-à-vis d’autres puissances, et vis-à-vis des traditionnelles monnaies de réserves comme l’euro, le dollar et le yen. Le stock d’or dont le pays dispose contribue à asseoir sa solidité financière, et donc à mieux protéger sa souveraineté. 

C’est d’ailleurs l’une des raisons qui poussent les pays émergents à accroître leurs réserves d’or. La liste des pays qui disposent du plus important stock d’or reste inchangée depuis plusieurs années, avec 4 pays en tête : les Etats-Unis (8 133 tonnes), l’Allemagne (3 362 tonnes), l’Italie (2 451 tonnes) et la France (2 436 tonnes). La Chine arriverait après ce quatuor de tête mais on a du mal à connaître le volume exact d’or détenu par Pékin. D’autres pays se tournent aussi vers l’or pour assurer leurs réserves de change. C’est le cas de la Pologne, qui après avoir acheté 100 tonnes d’or en juin 2019, prévoit d’en ajouter 100 de plus en 2022. Le gouverneur de la banque centrale polonaise souhaite ainsi « conforter la stabilité financière du pays ». Ce n’est pas le seul pays à suivre cette démarche. La Hongrie, la Thaïlande, le Japon ou encore le Brésil font de même. Tandis que des pays comme la Russie, la Chine, l’Inde et la Turquie en ont fait une habitude depuis plusieurs années et augmentent aussi régulièrement leurs stocks d’or. 

Réserves mondiales en or au 2e semestre 2021
Source : World Gold Council

Stabilité financière, refuge en cas de crise ou encore diversification du patrimoine et une plus grande indépendance face à des monnaies comme l’euro ou le dollar : les raisons qui poussent les banques centrales à acquérir de l’or sont finalement les mêmes que celles des particuliers. Ce qui explique aussi pourquoi les investisseurs gardent aussi l’œil sur le comportement des banques centrales !